
Peter Chômeur vit à Quality Land, « le pays de tous les superlatifs ! », une utopie consumériste où tout est de qualité et qui va au-devant des besoins et des désirs, même les plus secrets, de ses habitants.
Le site de vente The Shop sait ce dont tu as besoin avant même que tu n’en prennes conscience. L’appli Quality Partner sait mieux que toi qui te corresponds le mieux et te fera rencontrer l’âme sœur. Quoi que tu fasses, tu n’as plus qu’à cliquer sur « OK », parce que tout est « méga super OK ! »
Sauf que l’on y porte comme patronyme la profession de son père et disons que certains jobs sont moins valorisants que d’autres, n’est-ce pas Melissa Travailleuse-du-Sexe ? Peter Chômeur, lui, a hérité de la vieille casse de son père. Mais au lieu de passer à la presse, conformément à la loi, tous les drones, robots ou machines ayant un petit défaut, il les sauve et les abrite dans son sous-sol. Sandra Admin, sa petite amie – qui ignore tout de cette perversion –, le plaque sur les conseils de Quality Partner, qui ne le trouve pas à la hauteur.
À l’autre extrémité de l’échelle sociale, on suit Martyn, le directeur de campagne du candidat à l’élection présidentielle, de son nom complet Martyn Conseiller-de-Surveillance-Président-de-la-Fondation-Conseiller-au-Bureau-de-la-Présidence-Comité-Directeur. Son poulain est l’androïde John of Us, qui doit affronter Conrad Cuisinier, un populiste réactionnaire et fasciste de premier ordre. John of Us est certain d’être le meilleur candidat, car il ne peut pas mentir, a accès à toutes les bases de données et a toujours raison. Et plus John démontre sa supériorité en tout sur son adversaire, plus il baisse dans les sondages, au grand désespoir de sa chargée de com, Aïcha Femme-Médecin, et de Tony Chef-de-Parti.
Les choses commencent à révéler leur vraie nature lorsque Peter Chômeur se met dans la tête de rendre un objet que The Shop lui a livré et dont il ne veut pas. Un petit vibromasseur rose en forme de dauphin, pour être exact. Or la restitution s’avère impossible…
On l’a compris, cette utopie est une dystopie, et la satire de notre société est mordante, très juste et drôle. Les chapitres sont courts, entrelardés de commentaires, d’annonces, d’infos, de publicités déguisées, dont une bonne partie sur fond noir, et une bonne partie écrite par Sandra Admin, dans le cadre de son nouveau job (car elle a été promue, peu après avoir rompu avec Peter Chômeur, qui lui faisait perdre des points).
À l’instar de notre réalité, tout est de plus en plus décidé par des algorithmes (et votre assistant personnel intégré) et par les réseaux sociaux, la sphère privée est devenue quasiment publique, vu que tout ce que vous faites est monétisé en ligne et détermine votre statut social, bien plus que celui ou celle que vous êtes en réalité. Les IA sont dans le moindre objet technologique, et ont des droits, au point d’en devenir parfois pénibles ! Certaines développent même de sérieux dysfonctionnements.
En somme, ce roman se moque de tous nos travers actuels, qu’il pousse (à peine) plus loin qu’ils ne le sont actuellement. Vérifiez, vous verrez. On trouve de plus en plus souvent des formulaires vous posant des questions, et n’offrant que très peu de choix de réponse, parfois même seulement le bouton « OK ». C’est bien simple : Quality Land, on y habite quasiment déjà ! Néanmoins, si la satire fait mouche et ne peut que faire penser à la trilogie Trademark de Jean Baret publiée au Bélial’, le roman ne propose pas une intrigue, une réflexion ou un univers de SF très innovants.
Les personnages mettent un certain temps à devenir intéressants, à prendre consistance. Et l’histoire principale elle-même un peu émiettée démarre lentement. Ce n’est pas facile de marier SF et humour, car ce dernier a souvent tendance à ralentir l’intrigue voire à la gommer en la maintenant à distance du lecteur, en empêchant d’y adhérer tout à fait. Le roman reste plaisant, c’est déjà pas mal.
Chronique de François ‘767’ Manson
Nous en pensons
Notre avis
3,8
Peter Chômeur vit à Quality Land, « le pays de tous les superlatifs ! », une utopie consumériste. Les choses commencent à révéler leur vraie nature lorsque Peter Chômeur se met dans la tête de rendre un objet que The Shop lui a livré et dont il ne veut pas. On l’a compris, cette utopie est une dystopie, et la satire de notre société est mordante, très juste et drôle.
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