Il y a des concepts prometteurs dont le résultat ne nous convainc pas, Subtil Béton fait partie de cette catégorie pour moi.
L’histoire se déroule dans un futur très proche, tellement proche que sa classification en science-fiction laisse perplexe. Une insurrection a été anéantie, c’est l’événement prétexte à la mise en place d’un régime totalitaire répressif.
La moindre différence jugée inappropriée a pour conséquence un séjour dans un camp de rééducation pour permettre l’assimilation. Tout refus d’obtempérer retire la nationalité et désactive la puce implantée dans le bras de chacun. Une puce active est nécessaire pour vivre et contient entre autres l’état du compte en banque. Sans puce ou sans argent, il n’y a plus d’accès possible au moindre commerce même de première nécessité.
Et bien entendu, sous couvert de sécurité, il faut régulièrement fournir à l’État les données qu’elles contiennent ce qui permet aux autorités de connaître le moindre déplacement réalisé. Surveillance de masse, mal-logement, violence policière, racisme, transphobie, sexisme…le quotidien des personnes dans le système n’est pas glorieux alors que dire de celui des personnes sorties du système ?
Une des forces des classiques de l’anticipation comme 1984 ou Fahrenheit 451 est dans la prise de conscience du protagoniste. Ici tout le roman se situe du côté des personnes déjà antisystème, ce qui lui fait perdre de son piquant.
Subtil Béton est un roman choral donnant la parole à première vue à une galerie variée de personnages, mais il apparaît rapidement qu’un seul type est présent : les minorités opprimées ou plutôt une partie. J’apprécie la présence de diversité et le fait de donner la parole aux minorités discriminées, mais comme d’habitude on oublie les personnes handicapées. La seule mention est très clichée, la personne handicapée est un poids pour sa famille. Ce qui l’empêche donc d’être aussi militante que souhaité.
C’est usant ce type de représentation d’autant plus venant d’un collectif se voulant inclusif et défenseur des opprimées et opprimés. Le ton du récit est très culpabilisant d’autant plus qu’il hiérarchise les discriminations. Se soumettre au régime pour garder sa vie en dehors de la clandestinité ou vouloir retourner dans le système est très mal perçu.
La vision est manichéenne et la moindre tentative de déviation face à l’idéal est jugée, jamais comprise ou excusable. Le ton est hyper accusateur, que ce soit de manière frontale ou via une manipulation, sous couvert d’arrondir les angles. Le message est simple et peut faire grincer des dents: si tu es un poil moins discriminé que ton voisin, tu dois t’auto-flageller à jamais et être corvéable à merci, vilain privilégié, va.
Niveau écriture la volonté d’inclusivité est forte, mais la mise en application ne l’est pas. La décision de ne pas utiliser un langage inclusif homogène tout au long du récit rend la lecture, en particulier pour les personnes dys, compliquée. Il n’y a aucun moyen de s’habituer aux choix d’écriture. Enfin ce qui est pour moi le souci majeur c’est l’absence complète d’utilisation du « montrer plutôt que dire » (le fameux « Show, don’t tell»).
Comme le dit la postface écrite par les membres du collectif : « Subtil Béton est le lieu de nos décharges émotionnelles et politiques » et ça se sent. Je suis pour les romans militants, mais jamais au détriment de l’histoire comme c’est le cas ici. Pour finir sur une note plus positive, le travail éditorial est bon. Les illustrations sont belles et une très grande carte est incluse dans un rabat.
Chronique d’Adeline ‘1865’ Kerner
Nous en pensons
Notre avis
2.3
Une insurrection a été anéantie, c'est l'événement prétexte à la mise en place d'un régime totalitaire répressif. La moindre différence jugée inappropriée a pour conséquence un séjour dans un camp de rééducation pour permettre l'assimilation. Tout refus d'obtempérer retire la nationalité et désactive la puce implantée dans le bras de chacun. Une puce active est nécessaire pour vivre et contient entre autres l'état du compte en banque. Sans puce ou sans argent, il n’y a plus d'accès possible au moindre commerce même de première nécessité. Et bien entendu, sous couvert de sécurité, il faut régulièrement fournir à l'État les données qu'elles contiennent ce qui permet aux autorités de connaître le moindre déplacement réalisé. Surveillance de masse, mal-logement, violence policière, racisme, transphobie, sexisme…