« Diableries – Aventures stéréoscopiques en enfer » de Brian May, Denis Pellerin et Paula Fleming

Amateurs de 3D et de diablotins, scrutateurs d’antiquités, sympathisants des beaux livres fantastiques, jetez donc vos yeux dans cet ouvrage démentiel.

Imaginez un peu qu’au milieu du XIXe siècle, deux artisans-sculpteurs (Hennetier et Habert) se sont mis en tête d’améliorer les images d’Épinal. Ils modelaient en double une même scénette, la photographiaient, disposant les images côte à côte sur de grandes diapositives, coloriaient les épreuves et proposaient aux spectateurs de les visionner individuellement sur un stéréoscope, sorte de « viewmaster© » avant l’heure. Pas moins de deux cents « Diableries » ont ainsi été créées entre 1860 et le milieu des années 1890.

S’en suivent des séries de visions fantasmagoriques où les squelettes ont le premier (mais pas toujours envieux) rôle dans des illustrations de péchés plus ou moins capitaux, de mésaventures entre le ciel et l’enfer.

Brian May, Denis Pellerin et Paula Fleming, les trois auteurs, fins collectionneurs et connaisseurs ont passé des années à chercher, à se chercher et se trouver autour de cette passion commune : comprendre ce à quoi ils avaient affaire et, enfin, à compléter au maximum leurs collections.

Ils ont ensuite pris le temps de restaurer numériquement ces scénettes, nous proposant pour la première série une version grand format en noir et blanc d’une des images, puis en version plus réduite, mais bien visible (le livre est au format 264×320), les deux photos de la scénette en noir et blanc (on y décèle mieux le travail de sculpture) puis en couleurs (qui font ressortir en particulier les yeux rouges des squelettes). Ces documents sont accompagnés d’un texte riche en précisions (historiques entre autres) : on peut ainsi voir et profiter de tous les détails imaginés par leurs créateurs-sculpteurs.

Ces Diableries, d’apparence bien sage, se permettent des traits d’humour évidents à l’époque et qui nous sont heureusement explicités par les auteurs de ce précieux ouvrage, ce qui confirme son évident intérêt historique.

Mais comment les voit-on en relief, ces images, me direz-vous ?

Tout bonnement grâce au stéréoscope, superbe construction en plastique cuivré, inséré dans une pochette cartonnée jointe au coffret contenant le livre. On peut le régler à sa vue afin de voir les images nettes (et à la différence des lourdes lunettes 3 D cinématographiques actuelles, on peut garder ses lunettes sans souci ; de fait, le lecteur pose le stéréoscope sur le livre à plat et vient se positionner comme sur un microscope). Ensuite, c’est au prix d’un petit travail de mise au point visuelle qu’on parvient à voir se créer les différents plans : le relief.

Au fur et à mesure des 72 vues de la première série, on prend conscience du travail de fourmi des sculpteurs, du temps passé afin de montrer tous ces détails. Même si certains éléments pouvaient resservir, il fallait refaire les côtes et les os de tous ces squelettes.

Les séries suivantes, plus baroques, ne sont plus proposées systématiquement en couleur, mais parfois dans plusieurs versions. D’autres sculpteurs ont en effet suivi les précurseurs.

En guise de bonus, un chapitre nous invite à créer nos propres photographies en 3D. Enfin, les derniers chapitres précisent le contexte historique des Diableries, puis les biographies des principaux sculpteurs, photographes et éditeurs viennent parfaire l’ouvrage.

Merveille visuelle, ce livre demande certes un peu de travail aux yeux du lecteur, mais pour lui apporter une réelle jubilation à voir presque vivre ces diablotins. Si les illustrations sont des petites merveilles, les textes sont eux aussi parfaitement clairs et précis, savants sans être indigestes.

Voilà un ouvrage qui se sirote tranquillement, le midi au soleil (ah oui, il faut un bon éclairage pour bien profiter des Diableries) et qui laisse rêveur sur l’opiniâtreté des artisans qui permirent à ces stéréoscopies d’exister ainsi que sur celle des rédacteurs (au sens le plus large du terme) de ce livre. Autant de qualités pour un prix inférieur à 50 € : une petite folie à conseiller à toutes et tous les amoureuses/amoureux du fantastique.

A propos de vincent

Tout autant amateur de SF que de Bourrée (3temps !), de Fantastique que de Violon, Vincent lit (comme on fait son) et visionne pour PdE avec un plaisir non dissimulé !

Consultez aussi...

« Bearmouth » de Liz Hyder

Bearmouth – la gueule de l’ours – ce sont des kilomètres de tunnels, des tonnes de charbon, …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.