Paris n’est plus que ruines. Et le prix de la cervelle fraîche s’envole. Heureusement, il reste des punks. Et des bières. Et des acides. Et un groupe électrogène pour jouer du Discharge. Le Club des punks va pouvoir survivre à l’Apocalypse. Enfin, si en plus des zombies, les gros cons n’étaient pas aussi de sortie… Il est grand temps que l’anarchie remette de l’ordre dans le chaos ! Des punks et des zombies ? Ça, c’est un mélange qui promet d’envoyer de la violence et des tripes à l’air !
Mais pas que… Il y a également dans ce roman déjanté un vrai fond idéologique et une belle réflexion sur l’avenir possible (probable ?) de notre société. Les punks de Karim Berrouka sont cools ; anarchistes, un poil nihilistes, complètement allumés, ne rechignant pas à la baston contre les salauds de tout poil, l’autorité d’où qu’elle vienne (mais surtout des gros riches), et bien sûr les gusses qui veulent leur dévorer la cervelle, mais gentils en réalité, voire un brin candides. Ils prônent l’égalité, la liberté et le respect. Mouais… Pas facile à mettre en place, tout ça !
Entre affrontements mémorables, réflexions sur la saloperie du capitalisme et petits cours d’anarchisme parfaitement intégrés dans l’intrigue, Karim Berrouka réussit à ne jamais ennuyer. Grâce à quoi ? Une écriture très maîtrisée, une connaissance approfondie de la culture punk (l’auteur est par ailleurs membre du groupe Ludwig Von 88), un rythme d’enfer qui prend le lecteur par la main et ne le lâche plus. L’action n’est jamais alourdie, mais égayée par des délires poético-mystico-hallucinogènes.
Parce que ses héros, en sus d’être décalés, sont aussi, bien sûr, adeptes de diverses substances aux effets parfois dévastateurs ! Petit à petit, on glisse dans l’absurde et le dénouement, à ce titre, est particulièrement réussi. Les personnages sont vraiment fouillés, et très attachants, malgré (ou grâce à) leurs fêlures, leur bêtise quelquefois, leurs choix délirants et leur goût du n’importe quoi pourvu que ça claque !
Entre Éva, la féministe-vegan, Kropotkine, l’anarchiste, Mange-poubelle, le partisan de l’autogestion, Glandouille et Pustule, les classiques punks à chiens et Fonsdé et Teuspi, rois de la défonce et empereurs des conneries, le club des punks, qui squatte un vieil immeuble au cœur de Paris, est parti pour être mémorable !
Et puis, bien sûr, il y a l’idée géniale : l’influence de la musique sur les zombies, qui nous vaut quelques scènes d’anthologie. Je vous laisse découvrir l’effet des ziques punk, hippie ou militaire sur ces créatures. Ça fonce dans tous les sens, mais c’est parfaitement cohérent, jusqu’à l’explication de l’épidémie zombie.
Roman de divertissement, bien entendu, où l’on sourit souvent, où l’on rit franchement même, mais aussi roman contestataire, où le pire ennemi n’est pas le mort-vivant décérébré, mais l’homme et ses idéologies mortifères. Des membres du MEDEF qui veulent profiter du chaos pour rétablir l’esclavage, un pervers manipulateur et des religieux de tous poils s’opposent aux punks, adeptes de liberté, de musique, de drogue et d’égalité. C’est complètement foutraque, pas mal trash, et férocement drôle ! Ça se lit d’une traite, avec une jubilation qui fait du bien. À recommander chaudement, donc !
Chronique de Sylvie ‘822’ Gagnère