Paul Lacasse est un psychiatre en fin de carrière, désabusé sur son métier, et dont le couple vacille. Il est flanqué d’une jeune et dynamique collègue, Jeanne Marcoux. Ensemble ils prennent en charge un patient nouvellement interné, l’auteur à succès Thomas Roy. Progressivement, les deux docteurs s’aperçoivent que le romancier est un bien mystérieux personnage. Aidés par le journaliste Charles Monette, ils se lancent alors dans une enquête sur le passé de leur patient. Ils découvrent ainsi qu’il est lié à de nombreux faits divers tous plus horribles les uns que les autres. Ce qui n’était au début qu’anomalies intrigantes dérape progressivement et tourne au cauchemar infernal. Le dénouement sera tragique.
De prime abord, les états d’âme de Lacasse et ses démêlés avec sa triste vie quotidienne sont exposés. La description du personnage de Lacasse est fouillée : il y a le naufrage de sa carrière, son amitié pour sa jeune consœur en qui il retrouve l’enthousiasme qu’il a eu autrefois, ses tentatives vouées à l’échec de sauver son couple. Il y aussi sa tentative désespérée de résoudre le cas Roy : pour le docteur, il s’agit plus de donner un sens à l’ensemble de sa vie professionnelle que de guérir son patient. Curieusement, l’énigmatique Roy, en principe au cœur du livre, ne captive pas : il n’est que le bras séculier de puissances paranormales. Puis au fil des pages, l’attention du lecteur glisse progressivement des vicissitudes de Lacasse vers l’aventure elle-même, au fur et à mesure que les incidents se multiplient, s’aggravent et deviennent glauques. A partir du milieu du roman, les rebondissements deviennent passionnants et on n’arrive plus à quitter le livre.
Le roman est rédigé en québécois : passé les premières pages où l’on peut être interloqué, la lecture en est agréable. Une grande partie de l’action se déroule dans le huis-clos de l’hôpital, il y a quelques scènes dans un troquet, et une seule escapade au-delà de ces deux lieux : à quand une adaptation pour le théâtre ? Malgré cette économie de moyens, le style est enlevé, grâce à de très nombreuses séquences de dialogues.
Le rythme est cassé à quatre reprises par une page en italique, au ton onirique, qui place le lecteur au cœur de l’action. Ces pages donnent des indices sur le dénouement, elles permettent ainsi de garder un peu d’avance sur l’enquête de Lacasse.
Sur les trois seules réelles scènes d’horreur, deux se remarquent particulièrement. L’une, aux deux tiers du livre, est la confession assez longue d’un des personnages secondaires : associée aux quatre pages déjà mentionnées, elle donne la clef du roman. L’autre, dans le huis-clos de l’aile psychiatrique de l’hôpital, est l’apothéose de l’ouvrage. Bien que prévue par le lecteur –il n’y a pas de suspense- elle impressionnera plus d’une âme sensible.
« Sur le seuil » promet donc un bon moment de lecture, et pourquoi pas quelques cauchemars les nuits suivantes.
Chronique de Lionel ‘1473’ Goldman
Éditeur | Bragelonne |
Auteur | Patrick Senécal |
Pages | 364 |
Prix | 20€ |