« La République des enragés » de Xavier Bruce

France, années 50, la guerre froide bat son plein et des scientifiques sans scrupule n’hésitent pas à utiliser des enfants comme cobayes. C’est le cas du professeur Heintelle, qui mène un projet ultra-secret dans son institut. Mais les gosses parviennent à s’enfuir et à se fondre plus ou moins dans la société, tout en développant leurs extraordinaires capacités – télékinésie, télépathie et autres bizarreries… Seize ans plus tard, c’est Mai 68 qui embrase Paris et nous retrouvons alors quelques-uns de ces enfants, devenus adultes. Ils ont fait leur chemin au sein du music-hall, dans un groupuscule d’extrême gauche, ou dans un bordel. Certains vont tenter de s’unir pour réussir leur propre révolution.

L’histoire est menée tambour battant, sans nous laisser le temps de reprendre notre souffle et de nous poser. On a l’impression que l’auteur s’est beaucoup amusé à écrire cette fable aux accents picaresques, et le lecteur s’amuse aussi à le lire. Le rythme endiablé, la succession de très courts chapitres qui alternent les personnages, tout cela concourt au plaisir de lecture. Ça parle de cul, de liberté, de flics, de vengeance, de politiciens corrompus, de jeunes militants gauchistes, et de révolution. On y croise même quelques personnes bien réelles – Dany le Rouge ou Serge July, par exemple.

C’est efficace, drôle, féroce, séduisant… mais donne le sentiment d’avoir été bâclé. C’est sympathique et très agréable à lire, mais ça manque de profondeur et de crédibilité. L’intrigue est ramenée à sa portion congrue, très schématique, et les incohérences sont légion. Beaucoup d’éléments ne sont pas exploités, ils semblent posés là juste pour justifier l’envie de l’auteur de proposer une histoire avec Mai 68 en toile de fond. Toile de fond assez réussie par ailleurs, qui parle de la jeunesse révoltée en quête d’identité, de vieux gaullistes dépassés et d’une jeune garde politique prête à tout pour se hisser au pouvoir, tandis que l’extrême droite (déjà, me direz-vous) est tentée par des actions plus radicales face aux étudiants rebelles.

On ressort donc assez mitigé de ce livre : de belles idées, une écriture agréable, un rythme haletant, un récit qui utilise une période de l’histoire récente française peu exploitée dans l’ensemble, une jouissance assez communicative à dézinguer à tout va (parfois au bazooka, ce n’est pas toujours fin, fin…), mais beaucoup d’éléments restent à l’état d’embryons, y compris ce qui concerne ces fameux mutants sur lesquels j’aurais vraiment aimé en savoir plus. Un petit regret aussi sur les personnages féminins, qui ne semblent là que pour servir leurs compagnons et/ou la cause…

Un moment de lecture plaisant, mais qui débouche, hélas, sur un sentiment de frustration pour le lecteur !

A propos de Syl

Fervente adepte des cultures de l'imaginaire (et des autres), curieuse de tout (et du reste), boulimique du verbe (qui a dit, mais pas que ?), enfin et accessoirement présidente du concours Visions du Futur (pots de vin acceptés).

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