Le Voile de l’espace de Robert Reed

Le Voile de l’espace de Robert ReedEnfin au Livre de Poche, le cinquième roman de Robert Reed (dis, m’sieur Robert Laffont, tu pourrais pas attendre moins de CINQ ANS avant de rééditer tes romans à un format abordable, s’te plaît ?) est le début d’un cycle, celui de la Terre des « intrusions ». Ayant lu La Voie terrestre auparavant ainsi que la suite du présent roman Béantes portes du ciel, mon opinion sur l’originalité de l’auteur a quelque peu évolué. Comme Gérard Klein qui naguère (dans la préface à La Jungle hormone) louait l’éclectisme de Robert Reed : « chacun de ses livres est une expérience nouvelle », je le tenais pour un écrivain, un vrai, qui explorait dans chacun de ses romans une idée différente et nouvelle, pas un vulgaire créateur d’univers qu’il explore inlassablement en créant des suites à rallonges pour mieux détailler une intrigue touffue qui ne serait rien sans une solide psychologie des personnages !…Raté : Robert Reed a l’étoffe des deux, et il le prouve ! (et bien entendu, je tiens les deux en très haute estime !)

Ayant lu Béantes portes du ciel avant Le voile de l’espace, ma vision de ce roman est sûrement décalée, mais j’ai la nette impression qu’il ne possède pas le souffle habituel des romans de Reed. Était-ce parce que j’étais déjà familiarisé avec l’univers inverti du voile ? Était-ce parce que je savais déjà que Cornell, le personnage central, irait traîner son esprit (littéralement !) sur Haut Désert ? Sûrement, ainsi que pour une toute autre raison, tout à fait évidente à mes yeux : Robert Reed est en train de construire une trilogie dont le point de départ est l’Amérique profonde , d’où vient le héros (tome un, le présent volume), pour continuer vers l’exploration du monde des \ » infimes \ », ces êtres qui voyagent entre les mondes (second volume, Béantes portes du ciel) et finir par l’exploration d’un univers encore plus vaste que ces voyageurs ne le soupçonnent eux-mêmes (volume à venir, dont on a les prémisses dans ce second). Mais cela reste néanmoins très relatif : le tout est d’une tenue plus que correcte et contient quelques jolies surprises.
Pour revenir au roman lui-même, il est découpé en quatre parties inégales.
La première s’intitule « le changement » et fait le récit sur cent pages de l’enfance de Cornell, marqué par la disparition de sa mère soi-disant enlevée par les extra-terrestres, eux-mêmes inlassablement recherchés par son père. C’est le récit sensible de la construction d’une personnalité, du passage de l’enfance à l’adolescence puis à l’âge adulte, avec la perte de toutes les illusions qu’implique la découverte de la vérité. Des vérités, devrais-je dire, puisque c’est aussi la période où se produit ce  » changement « , qui fait disparaître en un instant les étoiles, les planètes et la lune dans le ciel nocturne pour les remplacer par un reflet délavé de la Terre elle-même. Mais l’explication de ce phénomène cosmique n’est pas donnée, elle reste à découvrir.
La deuxième partie s’intitule « un monde nouveau » et fait découvrir à notre héros une autre facette de la réalité : il existe des mondes parallèles accessibles par des « intrusions ». Accessibles à notre esprit, à notre essence, mais rien de matériel : passer par intrusion, c’est prendre l’aspect de l’entité la plus évoluée du nouveau monde, c’est abandonner tout vêtement, toute technologie. Seuls les plus adaptables, les plus forts psychologiquement peuvent espérer ne pas devenir fous. Surtout sur Haut Désert ou l’agence gouvernementale décide d’envoyer Cornell. L’entité que deviennent les voyageurs est… un chef d’œuvre d’originalité et de bizarrerie ! Je ne vous en dis pas plus, découvrez-la par vous même. Mais une chose est sûre : on ne peut sortir indemne de ce genre d’expérience. Cornell est solide. Il va bien sûr s’en tirer grâce (en partie) à deux femmes : Porsche Neal, sa collègue avec laquelle un lien d’affinité se tisse d’emblée et qui le soutiendra sur Haut Désert et à qui il fera avouer qu’elle fait partie des « infimes » qui voyagent de monde en monde. Et puis sa mère, qu’il va essayer de retrouver sur Terre, pour savoir. Savoir réellement pourquoi elle est partie, savoir si elle mérite son amour… Sa mère, qu’il doit retrouver pour accomplir son « travail de deuil » comme disent les psychologues.
Finalement l’expédition sur Haut Désert établira un « premier contact » (titre de la troisième partie). Ce contact clôt l’expédition extra-terrestre. La dernière partie intitulée « l’impasse » nous confirme les desseins de Cornell. Ce qu’il a appris sur Porsche, qui est en fait originaire d’un autre monde, et sur l’agence gouvernementale et ses manipulations, il veut, il doit le révéler. Porsche l’aidera, mais comment faire ?
Ce premier volume nous brosse un univers original, mais nous en avons l’habitude avec Rober Reed, rempli de potentialités. L’auteur jongle, une fois de plus avec le jeu des apparences, des faux-semblants, des réalités alternatives et fluctuantes. Il fait encore preuve d’un immense talent d’écrivain (car c’est un vrai romancier) et d’un indéniable don pour faire vivre un autre monde (car c’est un véritable créateur d’univers).
Dis, m’sieur Rober Laffont, tu pourrais publier le troisième tome bientôt, s’te plaît ?

Chronique de Jean-Luc ‘882’ Perrot

Éditeur Le Livre de poche
Auteur Robert Reed
Pages  380
Prix 38F

A propos de Richard

"Ça mériterait un bon coup de pinceau" que j'ai eu la folie de dire. "Tiens voila les clés" fut leur réponse. Voila comment on se retrouve webmaster chez PdE...

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