En 1879, l’Angleterre victorienne s’apprête à envahir le Zoulouland. Pour y parvenir, l’armée de sa très gracieuse majesté doit affronter celle du roi Cetshwayo. Mais celui-ci, grâce à son grand sorcier Mpande et à la magie zouloue, va faire dérailler l’histoire. Et ce sont quarante mille guerriers zoulous qui débarquent sur les côtes de la perfide Albion, direction Londres et Buckingham Palace ! L’idée est réjouissante. La débâcle de la puissante armée coloniale, alors au faîte de sa gloire, face à une armée de sauvages réputés tellement inférieurs est jubilatoire. On sent d’ailleurs que Christophe Lambert a dû beaucoup s’amuser à écrire cette uchronie. C’est un roman plein de bruits et de fureur, roman de guerre, d’aventure, historique, science-fictionnesque, où les scènes épiques s’enchaînent sans temps mort. Le lecteur embarque dans cette aventure avec plaisir, mais reste pourtant sur sa faim.
Le premier acte de l’ouvrage nous présente les personnages, introduits chacun à leur tour par un chapitre. Et des personnages, il y en a pléthore : tout d’abord un casting de stars (H.G.Wells enfant, John Merrick l’homme-éléphant, la Reine Victoria et son Premier ministre Disraéli, un Jack l’éventreur et même Karl Marx… !) puis une foultitude de héros (le jeune docker révolutionnaire, le commissaire désabusé, l’aventurier flanqué de sa négresse, le jeune officier idéaliste…) qui dispersent l’attention du lecteur. L’auteur se focalise sur l’action et en oublie de doter ses personnages d’une vraie personnalité, d’une histoire, un passé, des motivations susceptibles de leur donner chair. Les Africains, quant à eux, ne sont qu’une masse indistincte, sans individualité, ni personnalités. Et pourtant, il y avait ici matière à une vraie réflexion (la référence à « la guerre des Mondes » est explicitement revendiquée).
Pas assez « simpliste » pour n’être qu’un roman d’aventure – malgré quelques morceaux de bravoure et de l’humour -, pas assez « fouillé » pour être autre chose – et pourtant la réflexion sur une civilisation puissante, sûre de son pouvoir, mise en pièces par ceux qu’elle considère comme des sauvages avait de quoi intéresser -, Zoulou Kingdom se lit avec plaisir, certes, mais laisse un vrai goût d’inachevé. Faute de choisir, C. Lambert est un peu passé à côté de sa matière, qui aurait mérité un développement plus important. Cela dit, cela reste un roman agréable à lire, un bon roman de vacances…
Chronique de Sylvie Gagnère
Editeur | Fleuve Noir |
Auteur | Christophe Lambert |
Pages | 287 |
Prix | 6,93 € |